samedi 29 septembre 2007

Appropriation de l'espace

Deux extraits en miroir pour le thème du jour, le premier tiré de L'Architecture des Villes de Ricardo Bofill et Marc Véron, et le deuxième de La ville et l'urbanisme de Jean-Paul Lacaze. Point commun: relater l'appropriation de l'espace/du bâti par ses usagers, qui constitue un facteur déterminant de la réussite d'un projet. Les passages en italique sont un choix personnel.

Ricardo Bofill et Marc Véron donc:

L'inertie des villes est immense. Baudelaire pouvait certes écrire que la forme d'une ville change plus vite que le coeur d'un mortel; en réalité, s'il ne faut que quelques années pour construire un bâtiment, il en faut bien plus pour modifier les structures d'un ensemble urbain. Et plus encore pour pouvoir constater un changement dans les mécanismes de perception et de reconnaissance des structures urbaines, tant il reste vrai que même dans une ville nouvelle nous cherchons toujours spontanément à nous orienter selon des repères hérités du passé. Paul Delouvrier, qui fut à l'origine de la création des cinq villes nouvelles autour de Paris, avait coutume de dire que celles-ci ne seraient vivantes que quand leurs cimetières seraient pleins. Sans perspective de long terme, toute opération d'aménagement de la ville est inévitablement condamnée à l'échec.
Comme en miroir, Jean-Paul Lacaze fait l'analyse suivante:
Les premiers habitants des grands ensembles se disaient très satisfaits de disposer de logements neufs et modernes. Mais ils ne se sont pas reconnus dans le type d'urbanisme de ces quartiers de tours et de barres. Ceux qui ont eu la possibilité de choisir sont donc partis ailleurs, déclenchant un phénomène de ségrégation sociale cumulatif. En revanche, les classes moyennes ont adopté l'urbanisme moins brutal des villes nouvelles, dont l'avenir ne semble pas en danger.
L'exemple des quatre "cités radieuses" construites sur les plans de Le Corbusier confirme la généralité du mécanisme. Ce modèle d'habitat très innovant a été bien accepté à Marseille et à Rezé, près de Nantes, mais rejeté à Briey et à Firminy. Ce n'est donc pas la nature du modèle, mais la manière dont les occupants le prennent en charge, qui est la condition première de la réussite ou de l'échec.
Ces exemples, et particulièrement le dernier, comportent deux enseignements essentiels qu'il faut garder présents à l'esprit si l'on veut raisonner sainement sur toute question relative aux villes et à l'urbanisme.
Tout d'abord, l'appropriation de l'espace par les habitants constitue le facteur décisif de la réussite finale de toute opération d'urbanisme ou de construction. S'approprier un espace - logement, voisinage, quartier, ville ou village - consiste à nouer avec lui des relations affectives riches de sens; on aime s'y retrouver, on sent qu'il vous met en valeur aux yeux de vos proches et de vos visiteurs, il perd son anonymat pour devenir "votre" rue, "votre" square favori, "votre" maison.
L'appropriation ne peut se décréter; elle résulte, plus ou moins vite et plus ou moins intensément, de la fréquentation répétitive des lieux, de la possibilité de les améliorer un peu, de les marquer par des objets personnels ou par des habitudes de fréquentation. L'attrait de la maison individuelle tient dans une large mesure, aux possibilités supplémentaires qu'elle offre de ce point de vue.
Ensuite, la lenteur et la progressivité du processus d'appropriation implique qu'en matière d'urbanisme la façon de procéder a souvent plus d'importance que l'aspect des lieux aménager.
Pour aller plus loin, une lecture plus détaillée de ces deux ouvrages:
Comme toujours, tous les commentaires sont les bienvenus.

dimanche 23 septembre 2007

Si la ville m'était contée

Si la ville m'était contée...Quasiment un livre de chevet, ou plutôt un livre de voyage, le seul vraiment utile à en croire ses auteurs, qui invitent le lecteur à une re-découverte de la ville par ses propres moyens, très loin des poncifes des guides de voyage.
La structure de ce livre est ce qui en fait son charme (et son efficacité), qui invite à la réflexion mais aussi à l'action: la première partie est ponctuée d' "exercices urbains", où le lecteur devient acteur/spectacteur, se lançant dans sa ville à la recherche d'indices, questionnant ses voisins, ses commerçants, ses élus pour vraiment ressentir sa ville. La deuxième partie du livre propose dix "clés" pour comprendre la ville, qui sont autant d'histoires, ou de pistes de réflexion.


D'autres personnes ont écrit plus (et mieux) que moi sur ce livre. Citons, entre autres:
  • Clara Jezewski-Bec, article publié dans la revue Pouvoirs Locaux et reproduit sur le site EspacesTemps.net - lire l'article
  • Boris Maynadier, sur son blog "Branding the City", dans un article intitulé "Méfiez-vous du marketing" - lire l'article
Le mieux est encore d'acheter ou d'emprunter ce livre, et d'aller arpenter vos rues, vos quartiers en vous servant de certaines activités proposées comme autant de fils directeurs, et vous verrez que la ville prendra un tout autre aspect.

samedi 22 septembre 2007

Histoire de la ville

Dans leur excellent livre Si la ville m'était contée, Gilles Rabin et Luc Gwiazdzinski, nous brossent un tableau rapide et clair des origines de la ville en tant que fonction (passage en italique par mes soins):
Un jour, entre la Mésopotamie et le bassin méditerranéen, des paysans réussirent à dégager leurs premiers surplus agricoles, ils se regroupèrent autour d'un marché où échanger: la ville était née, ou tout au moins son moteur.
Pour échanger, dans un espace profond et non plus étroit comme la tribu où tout le monde se connaît, il fallait développer des outils d'échange autres que produit contre produit: la monnaie était née. L'échange nécessitait confiance et sécurité. Les rois, princes et évêques échangeaient taxes contre trêves et protection. Pour assurer cette machine, clercs, marchands, policiers, soldats et serfs s'organisaient. La cité, ce lieu où, pour Georges Simmel "l'air rend libre de toute attache mais aussi de toute protection" devenait un territoire de spécialisation et d'expérimentation. La ville, lieu de l'étranger, du voisin qu'on ne connaît pas devait pouvoir s'organiser et devenir compréhensible, se lire.
Par bonheur, cette "définition" déborde déjà le cadre de l'historique pour nous emmener dans la problématique de la lisibilité de la ville. La fonction est établie, mais le lieux est-il bien clair pour tout le monde ? comment garantir que ce lieu incontournable remplisse ses fonctions au mieux ?

A venir, un commentaire plus détaillé sur ce livre.

samedi 15 septembre 2007

Où trouver les livres d'urbanisme à la FNAC ?

Expérience vécue à la FNAC d'Annecy: le rayon urbanisme se trouve dans les sciences humaines, à côté donc de la philosophie, sociologie, anthropologie et les autres.
On a donc d'un côté l'architecture en tant qu'art - et la construction (maison, tour, bâtiment) en tant qu'objet d'art - et de l'autre l'urbanisme en tant que "science", que "terrain d'étude". Et il est vrai que les livres d'urbanisme proposés dans ce rayons traitent plutôt de sujets sociologiques (les banlieues, l'appropriation de l'espace).
Doit-on suggérer un nouveau nom pour ce rayon ? une "urbanologie" plus ancrée dans l'humain ?

PS. de façon amusante, le terme d'urbanologie a été utilisé en titre d'un article sur l'oeuvre de Marcel Cornu dans la revue Urbanisme de Septembre 2003. L'article était intitulé "de l'urbanologie à l'urbanistique"
résumé de l'article en suivant ce lien.